Le storytelling ou l’art de raconter votre entreprise

20 mai 2025 Clément Berthet-Bondet

L’art du récit, un art vieux comme le monde

C’est un besoin impérieux, une nécessité. Qu’il s’agisse de transmettre, de convaincre ou d’expliquer, qu’il s’agisse de faire ressentir, ou de révéler, l’homme s’est toujours raconté.

Des grottes de Lascaux jusqu’aux stories instagram, chaque époque a su inventer ses propres outils. Maitriser l’outil de création et de diffusion ne suffit pourtant pas à intéresser, à captiver ou émouvoir… partager une belle histoire, c’est d’abord savoir la raconter.


Pourquoi une entreprise doit-elle se raconter ?

L’art du récit, que dis-je, le storytelling, cet anglissime un peu pompeux dont on use et abuse, est pourtant essentiel pour une entreprise ou une marque. Comme toute personne, une entreprise a besoin d’exister aux yeux des autres et donc de se raconter. Comme tout le monde, elle a besoin de s’exprimer, de se faire remarquer, de se faire comprendre, de rassembler ou de séduire. Une entreprise ou une marque a besoin de dire qui elle est, ce qu’elle fait et où elle veut aller…Bref, elle a besoin d’être incarnée.

Le storytelling s’impose donc comme outil identitaire et de différentiation : en racontant son histoire, chaque personne exprime son identité et rappel son unicité. Et comme chaque personne est unique, chaque entreprise l’est aussi. Le narratif de l’entreprise s’impose par essence comme la source initiale à la prise de parole de celle-ci, quel que soit les supports. C’est sa ligne éditoriale en quelque sorte… C’est une manière d’exister, de se différencier, et surtout de se connecter à ses collaborateurs, à ses clients, à ses partenaires à tous ceux qui croient, ou pourraient croire, en ce que vous faites.

Pour se raconter, il faut donc savoir qui l’on est.

Nombres de sociétés dépensent à juste titre du temps, de l’énergie et parfois des fortunes dans leurs positionnement, mais trop peu l’utilisent dans leur narratif. Le mythologue Joseph Campbell, dans sa tentative de théoriser l’art du récit, décrit le voyage initiatique du héros comme une structure narrative universelle. En racontant son épopée, l’entreprise devient inévitablement l’héroïne de sa propre histoire. Elle se doit alors de prendre la distance nécessaire pour se connaitre et appréhender son environnement, identifier ses atouts et ses alliés, reconnaitre ses obstacles et ses ennemis, afin de répondre à l’appel de l’aventure : cette quête désignée par ses objectifs et sa mission.

Pour raconter une histoire, il faut savoir ce que l’on veut dire.

Une évidence me direz-vous, pourtant rarement respecté dans une époque où chacun possède ses propres outils de création de contenu et de publication. Dès lors, chaque personne peut se mettre en scène dans une forme de théâtralisation hystérique et frénétique, sans forcément savoir quoi dire. Et comme la plupart des personnes, les marques et les entreprises n’échappent pas à la règle. Car si la plupart des marques se donnent à voir sur leurs réseaux sociaux, trop peu maitrisent leur propos ou leur donne du sens, se contentant souvent de montrer ou de copier à défaut d’exprimer ou de raconter.

Pour raconter, il faut trouver un angle.

On n’adresse pas une histoire de la même façon à un adulte qu’à un enfant. Et on ne la raconte pas de manière identique quand on dispose du temps et du budget… ou quand on en manque. L’art du récit tient à son angle d’attaque, autrement dit à sa structure narrative ou sa ligne éditoriale. Cette structure narrative se définit en fonction de l’objectif, de la cible (public visé), du format, mais aussi des moyens à disposition pour raconter cette histoire. Selon les cas on peut chercher à émouvoir, séduire, provoquer, décrypter, interpeler, subjuguer, ou faire rire pour faire passer son message.

Pour se faire entendre, il faut être audible.

Ça semble évident. Pourtant, combien de messages de marques passent à côté, faute de clarté ou de sens ? Séduire, impressionner, interpeller, faire rire ou émouvoir : oui mais à condition de porter un message. Une histoire absconse ou purement divertissante peut capter l’attention, générer du trafic — mais si elle ne sert pas l’objectif, elle peut devenir contre-productive. Je me souviens d’un directeur communication d’une grande marque de ski qui m’interrogeait sur un projet de mini-série docu autour de leurs ambassadeurs :

« Est-ce qu’on va faire le buzz sur les réseaux ? »

Je lui ai répondu, un brin provocateur :

« Si l’objectif, c’est juste le buzz, faisons skier vos athlètes nus. On fera sûrement une vidéo virale. Mais ensuite ? Vos skis paraîtront-ils plus performants ? Votre marque plus crédible, plus proche de ses clients ? »

Un récit n’est pas uniquement un haut-parleur, pour le faire résonner, il faut lui donner du sens. Son succès tient moins à son audience qu’à la qualité de son message.


Raconter, c’est savoir faire des choix

Imaginez qu’un individu se présente à vous sans faire le tri ou de hiérarchie dans ses informations, qu’allez-vous pensez : « pourquoi il me raconte sa vie celui-là » ?

La première impression est souvent cruciale et il s’agit d’être impactant, que l’on soit une personne où une marque. Pour captiver son audience, Il ne s’agit pas de tout dire, mais de raconter ce qui intéresse, ce qui touche, ce qui interpelle, ou ce qui exalte. Nous abordions plus haut le cas des marques ou des entreprises qui ne savent pas quoi dire, il y a aussi celles qui veulent tout dire. Le risque c’est de se perdre dans un message flou, diffus, peu compréhensible, peu engageant. Pour marquer les esprits et se faire remarquer, il s’agit donc de dire l’essentiel. Pour une entreprise, l’art du récit, s’apparente d’abord à l’art de la synthèse.

Séduire, c’est parler aux yeux, mais aussi au cœur

Encore une belle porte ouverte : Tout le monde a besoin de séduire et par essence encore plus les entreprises. Et comme dans la vie lors d’une rencontre, l’entreprise doit donner à voir et entendre le meilleur d’elle-même, ce qui la rend belle et sexy… Mais si elle souhaite séduire sur la durée, elle ne peut pas mentir ! Il s’agit donc de vous montrer sous son meilleur profil, de valoriser vos atouts, mais sans vous travestir. La spontanéité, le parler vrai, la sincérité, sont des atouts majeurs pour faire passer les messages, ils parlent à l’affect, et donc au cœur.

Pour bien raconter, il faut toucher au cœur

C’est comme dans la vie, on écoute toujours plus les gens qui semblent sincères… et on reste en contact avec eux quand ils le sont vraiment. Vous l’avez tous expérimenté, qu’il s’agisse d’une fiction ou de la réalité, une histoire vous parle parce qu’elle vous touche et donc qu’elle génère des émotions. Et dans un mode saturé par les images, toutes plus spectaculaires les unes que les autres, toutes plus loufoques, surprenantes, incroyables, où le mot émotion est trop souvent galvaudé, j’ai conviction que ce qui vous touche, c’est qui vous semble sincère. Pour une marque ou une entreprise, déballer ses valeurs dans un discours pompeux, exhiber son savoir-faire dans un film esthétisant et lénifiant

L’art du récit, un art insaisissable, qui se maitrise en partie

Bien se raconter n’est pourtant pas chose facile, comme tout art, l’art du récit tient à sa méthode et son savoir-faire, mais aussi à cette part d’indicible, talent pour certains, intuitions pour d’autres, à savoir révéler une dramaturgie, à éveiller, captiver et toucher. Mais si j’ai la conviction que les entreprises doivent être accompagné pour se raconter, j’ai aussi la conviction qu’elles ne doivent surtout pas laisser les autres écrire leurs histoires à leur place. Ma manière de concevoir mon métier de storyteller pour les entreprises est ainsi :l’idée n’est pas de venir faire la messe, mais de comprendre ou d’éprouver la marque et l’entreprise que j’accompagne, pour construire avec elle un récit qu’elle incarne. Comme le dit si bien Cabrel dans sa chanson Rosie : « faut pas dire à qui je ressemble, faut dire qui je suis »